Une brève histoire de l'Art Urbain, du Graffiti au Street Art (3/3)
Stéphanie Pioda • Posted on June 30, 2022
Le Street Art est un art comme un autre. Mais si ces propos semblent aujourd'hui évidents, il ne faut pas oublier que le chemin a été long pour cela, 50 ans! Le temps de créer le plus grand mouvement artistique du XXème siècle, et qui continue son épopée au XXIème siècle sous l'intitulé de “Art Urbain Contemporain”.
La popularité du street art et du muralisme
Depuis les années 2000, les lignes ont bougé. Des œuvres murales pérennes ont fleuries dans les paysages urbains et elles sont de plus en plus commandées aux artistes qui peuvent désormais prendre le temps de poser des peintures murales version XXL! Que ce soit dans des quartiers socialement défavorisés que dans les artères populaires des plus grandes villes. Car si l’Art Urbain demeure porteur de valeurs généreuses, il consiste aussi à rendre l'art accessible au plus grand nombre et plus particulièrement à ceux qui y sont habituellement peu exposés. Un dessein qui nous fait remonter aux muralistes mexicains des années 1920, qui portés par les idées socialistes de la révolution de 1910, vont peindre des fresques murales porteuses de messages. Que ce soit Diego Rivera, José Clemente Orozco ou encore David Alfaro Siqueiros. Sans oublier un autre acteur essentiel de cette longue histoire en France: Victor Vasarely, peintre humaniste et communiste qui, dans les années 1960-1970, rêvait de "transformer la désolante grisaille quotidienne des déshérités en une ambiance de beauté et de gaieté". Ce sont donc sur ces mêmes murs et en étant inspirés par le même élan créatif, que les street artistes ont permis au mouvement de se développer dans le monde entier et conquérir son plus grand nombre d’adeptes.
Un art devenu un argument touristique
Véritables musées à ciel ouvert, les villes font désormais du Street Art un argument touristique et les tours opérateurs multiplient les initiatives pour faire découvrir les plus belles fresques de Londres, Paris, Berlin, Lisbonne ou encore Amsterdam. Chacun se dispute alors la meilleure place de ville immanquable pour son "Parcours Street Art” et faire valoir son empreinte sur le développement du mouvement. L’époque où l’on considérait encore le Graffiti comme un acte de vandalisme auquel on accordait une tolérance zéro semble bien loin! Mais si un grand nombre d’artistes ont su s’adapter, certains artistes tel que Blu ne cède pas à ces sirènes et il n'a d’ailleurs pas hésité à effacer ses propres fresques à Bologne en 2016, pour protester contre une exposition qui s'était appropriée, entre autres, ses propres œuvres. Les festivals de Street Art, réunissant des artistes provenant des quatre coins du monde se sont institutionnalisés et chacun cherche depuis à battre le record de la fresque la plus impressionnante! Le Nuart festival en Norvège semble le mieux placé avec l'intervention d'Ella & Pitr sur 2,1 hectares en 2015, mais que les artistes ont depuis dépassé avec une nouvelle fresque de 2,5 hectares sur un toit de Paris en 2019, devenant ainsi la plus grande fresque d’Europe! Ainsi et que ce soit pour ses parcours Street Art, ses cartes interactives et applications dédiées, ses festivals haut en couleurs ou encore ses musées spécialisés, l’Art Urbain n’aura cessé de se développer au cours de ces dix dernières années pour devenir le mouvement artistique le plus prolifique du XXIème siècle.
Le marché de l'art, maillon clé de la reconnaissance
Mais si les festivals et autres visites guidées auront contribué à rendre le Street Art accessible au plus grand nombre, rien n’aurait été possible sans le marché de l’art qui a joué un rôle déterminant en donnant de la valeur à ce qui était éphémère. Le marché s'est rapidement organisé avec ses galeries spécialisées, ses foires et ses ventes aux enchères dédiées, où les commissaires-priseurs mettent parfois à l'encan des œuvres qui sortent directement de l'atelier de l'artiste sans être passées en galerie. Certains artistes ont même commencé à mettre de côté leur pseudonyme pour mieux mettre en avant leur patronyme, tendant ainsi à se détacher de leur image de “street artiste” pour revendiquer celle d'artiste tout court. Mais ce sont aujourd’hui les foires et plus particulièrement les ventes en ligne qui tirent leur épingle du jeu tant ce marché est devenu international. En effet, des œuvres d’artistes provenant du monde entier sont désormais accessibles au plus grand nombre, il est d’ailleurs devenu acquis d'acheter aujourd'hui une œuvre sur Internet en quelques clics et il est d’autant plus facile de trouver une œuvre originale pour quelques centaines d’euros. Même si pour demeurer abordable et maintenir l'esprit des débuts, les éditions à tirage limité permettent à tout un chacun de se procurer un visuel de leur artiste préféré pour leur décoration d’intérieur ou leur collection personnelle.
Aujourd’hui reconnu sous l’appellation universelle d’Art Urbain, le Graffiti et le Street Art ont réussi à séduire toutes les générations et ses techniques ont également su évoluer avec le temps. Autrefois principalement axées autour de l’utilisation de la bombe aérosol, des pochoirs et des collages, tout est depuis devenu possible. Que ce soit au travers des murs dessinés au marteau piqueur de Vhils, aux affiches monumentales en trompe l'œil de J.R, que par les recouvrements urbains en tricot de Magda Sayeg. Un art le plus souvent gratuit, qui s’affiche au plus grand nombre, qui ne nécessite aucune connaissance particulière en histoire de l’art, et dont les amateurs d’art peuvent aujourd’hui se réjouir de pouvoir accéder à une offre particulièrement diversifiée et authentique. Il n’y a qu’un pas pour soutenir le travail des artistes!