Le formidable développement de l'Art Urbain en Europe (1/2)
Sarah Guilbaud • Posté le 5 octobre 2021
Après les États-Unis, le Graffiti débarque en Europe au début des années 1980: les Pays-Bas avec Amsterdam et l’Angleterre avec Londres et Bristol sont touchés par le virus. Explications.
Les grottes, Lascaux, Pompéi, le courant muraliste au Mexique… Les murs en voient de toutes les couleurs depuis la nuit des temps! Mais c’est aux États-Unis qu’un mouvement naît, d’abord à Los Angeles en 1930, où des gangs délimitent leur territoire par des inscriptions murales puis à Philadelphie en 1965 où les premiers tags apparaissent. L’histoire (d’amour) est connue: pour attirer l'attention de Cynthia, Cornbread submerge la ville de sa signature. Le “Graffiti Writing” est lancé, par Cool Earl aussi. Cet élan se ressent ensuite à New York où Taki 183 et Blade One ouvrent la voie. Très vite, tout est prétexte à créer. Dans la rue, sur les trottoirs, les murs, les métros, les trains, graffiti(s), pochoirs, posters, stickers… se succèdent. Différents styles apparaissent, des pionniers marquent les esprits: Seen, Dondi White, Futura 2000, Cope2, Lee… On ne voit qu’eux partout!
L'influence d'un film et d’un livre culte
D’abord signatures, les tags se dotent peu à peu de qualités artistiques, c’est le début du “Style Writing”. Les trains alimentent la compétition et une guerre des styles est lancée où chacun ajoute couleurs, formes, effets 3D pour se démarquer. New York en fait les frais jusqu’aux années 80. Inédit à l’époque, le phénomène ne tarde pas à faire écho en Europe. En 1982, le virus se propage notamment via un film culte: “Wild Style” de Charlie Ahearn, qui marque fortement les esprits. Mais également au travers du livre “Subway Art” de Martha Cooper et Henri Chalfant qui sort en 1984. Futura 2000 n’est pas en reste non plus lorsqu’il enregistre la chanson “The Escapades of Futura 2000” avec The Clash et créé alors une émulation en Europe. En 1981, il suit d’ailleurs le groupe en tournée, passe par Paris et les Pays-Bas où son influence sera énorme.
Le rôle déterminant d’un galeriste néerlandais et d'Amsterdam
À Amsterdam justement, un certain Yaki Kornblit joue un rôle majeur: c’est l’un des premiers galeristes d’Europe à exposer les grands noms du Graffiti américain. Au début des années 1980, il collectionne des œuvres de graffeurs new-yorkais et les fait venir pour des expositions. Nous sommes en janvier 1983. Dondi White, Futura 2000, Crash, Daze… sont là. Des gamins d’Amsterdam aussi. Ils rencontrent les artistes, échangent idées et savoirs. Parmi eux, Shoe et Delta, “Writers” de la première heure dans une ville déjà couverte de tags, en attendant l’arrivée progressive des fresques murales. Tous adoptent le style new-yorkais puis en 1985-86, c’est l’explosion à Amsterdam où de nombreux artistes leur emboîtent le pas et commencent à composer leur propre style peu à peu.
En Grande-Bretagne, de Londres à Bristol
Dans le même temps, en 1983, la vague du Graffiti déferle sur la Grande-Bretagne. Pride et 3D posent les bases de ce qui fera la renommée de crews comme “The Chrome Angelz/TCA”. Une scène se forme, à nouveau sous l’influence de Futura 2000. En pleine émergence du hip-hop, Mode2, Inkie, Brim, Zaki, Scribla, Nick Walker… se font remarquer. L’ancien marché couvert de Londres “Covent Garden” devient alors un véritable terrain de jeu pour tous les artistes: musique, breakdance, art se mélangent tandis que le graffiti se popularise. À Bristol, le crew “The Wild Bunch” apparaît. En 1985, à la galerie Arnolfini, se tient la première exposition européenne avec des graffeurs britanniques. Des années plus tard, Bristol, aujourd’hui devenue la ville de Banksy, accueille graffiti, pochoirs, affiches, peintures murales, détournements de mobilier urbain. Toutes les formes d’arts urbains ont leur place dans ce véritable musée à ciel ouvert qui, depuis 2008, propose chaque année le “Upfest”, un des plus grands festivals de Graffiti et Street Art en Europe.
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