Né en 1973 au Havre d’une mère passionnée d’art et d’un père photographe, JOACHIM ROMAIN développe dès son adolescence des prédispositions à observer autour de lui et à vouloir capturer photographiquement l’humeur des vestiges publicitaires des ruelles de la ville du Havre, dont il est originaire. Son travail s'inscrit ainsi comme un miroir de son environnement, sa perception personnelle et artistique du monde qui l’entoure.

Depuis, il traverse les villes et les pays en continuant inlassablement à saisir les évolutions de ces ‘‘monuments’’ de la rue. Il collecte ainsi des images d’affiches publicitaires stratifiées, de murs en érosion couverts de graffitis, d’accumulations de papiers et matières organiques qui jonchent le sol ou s’agglutinent aux poteaux, aux rampes, aux grilles, aux colonnes promotionnelles, aux coffrets muraux de gaz et boîtiers de compteurs électriques de la ville. Il arpente les rues à l’affut d’amas dégradés par la main de l’homme, usés par les intempéries, décomposés par le temps pour créer avec.

Dans la lignée du Mouvement du Nouveau Réalisme et des artistes tels que Villeglé et Hains, Joachim Romain travaille avec les matériaux que la ville lui offre. Initialement, Il utilisait la photographie pour rendre compte de ses observations des murs d'affiches urbaines, mais il l'a désormais adoptée pour capturer notre époque où les images nous submergent, que ce soit dans les villes ou sur internet, suscitant une frénésie d'achats. Sa série Fast Shop est notamment réalisée à partir de photographies de sites de ventes en ligne. Ces images dévoilent des corps, modèles des marques, qui semblent presque disparaître, traduisant ainsi la rapidité excessive de la tendance à la consommation. Les tirages photographiques brillants accentuent d'ailleurs l'effet de sublimation, renforçant alors l'attrait des images publicitaires, telles qu'elles apparaîtraient sur un écran.

Au fil du temps, Joachim Romain associe son travail au monde urbain en abîmant ses propres photographies, témoignant ainsi des effets du temps. Il crée des portraits insérés dans une accumulation d'images publicitaires, se fondant dans la multitude de textures colorées et de fragments de typographie. Il poursuit sa pratique artistique en réalisant des sculptures à partir des matières récoltées dans la rue, donnant vie à un palimpseste de formes et de textures qui se détériorent avec le temps. En associant ses propres photographies à son travail sur les matières trouvées dans la rue, Joachim Romain fusionne sa série Fast Shop avec ses collages d'affiches lacérées retravaillées.

À travers ses créations, Joachim Romain dépeint l'accumulation d'images, de slogans et d'affiches dans nos villes qui sollicite notre attention et incitent au désir d'achat, générant un flux constant de production et de déchets. Avec le temps, ses œuvres deviendront des archives du monde, des reliques d'une époque où les images étaient omniprésentes.