
Nerone: “Les fleurs que je peins représentent le cycle de la vie”
Violaine Pondard • Posté le 24 juin 2025
Né en 1983 à Bordeaux, Nerone est identifiable par son style coloré, fleuri et lumineux. Formé à la communication visuelle, il est tombé dans le graffiti à l’adolescence. C’est à Londres en 2015 que son style se précise, quand il veut casser la grisaille anglaise avec sa peinture. Installé aujourd’hui à Marseille, il collabore avec des marques de renoms en design graphique et y ajoute sa touche artistique. Représenté par Urbaneez, ses œuvres à la fois poétiques et fascinantes font partie des valeurs sûres de la galerie en ligne.
Quel a été ton parcours avant de devenir artiste, peux-tu nous raconter?
Après une école de communication visuelle effectuée à Bordeaux, je suis parti travailler à Paris dans le monde du graphisme. Mon stage de fin d’études dans une agence s’est alors prolongé mais c’était une grande entreprise qui me donnait peu de libertés à l’époque. C’est donc à ce moment que je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout le mode de vie auquel j’aspirais et que je n’étais pas à ma place. Je me suis alors lancé en tant que designer graphique indépendant, ce qui m’a permis d’associer mes compétences professionnelles à ce que j’avais exploré pendant toute mon adolescence à Bordeaux: le Graffiti.

À ce propos, comment s’est déroulée ta découverte du Graffiti à l'époque?
Ma première rencontre avec l’art s’est faite à travers le Graffiti. J’ai commencé à taguer vers l’âge de 11 ans, au milieu des années 1990. Je suis arrivé dans un collège à Mérignac où j’ai rencontré plein de personnes qui faisaient du rap, du hip-hop et du graffiti. Ça m’a complètement bouleversé. Je les voyais peindre de temps en temps, taguer, faire des dessins, des graffitis sur des cahiers… Et là, je me suis dit “C’est extraordinaire, c'est génial! Ils sont capables de faire ça!”. J’ai commencé à le faire timidement. Je passais du temps avec mon meilleur pote de l’époque avec qui je me baladais dans des terrains abandonnés de la région. J’observais tous les graffitis qui y avaient été faits. On récupérait des bombes laissées par ceux qui avaient peint avant nous et on utilisait ce qui restait pour taguer. On faisait avec ce qu’on avait, ce qu’on trouvait dans la rue, dans les terrains vagues. J’ai commencé à peindre des lettres, avec mon premier blaze: SKIR.

Tu as depuis changé de blaze pour celui de Nerone, peux-tu nous dire pourquoi?
Tu sais, quand tu fais de la peinture illégale, tu as un blaze, mais tu ne peux le garder quand tu commences à répondre à des commandes. Et moi, dès l’âge de 17 ans, j’ai commencé à être sollicité par des amis, de la famille, qui voulaient que je peigne des chambres, des cafés, des restaurants. J’ai commencé à gagner un peu d’argent de poche comme ça. C’est vraiment cette dynamique là qui m’a portée vers une formation de designer graphique. D’autant que mes parents s’étaient rencontrés aux Arts Appliqués à Bordeaux, et s’ils n’en ont pas fait leur métier, ils m’ont inculqué le goût et la passion de l’art. Alors plus tard, quand j’étais à Paris, j’ai créé un collectif, Le Coktail, avec des copains artistes, rappeurs, musiciens, graffeurs. C’était un studio créatif, on faisait des événements ensemble. On ne se payait pas, c’était vraiment pour le plaisir, mais quel plaisir nous avons eu!

Puis tu es parti à Londres en 2015. Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté?
Oui, je m’y suis installé avec ma fiancée, pour tenter l’aventure à Londres. Au début, c’était un peu compliqué, c’est normal, mais j’ai réussi à créer des connexions là-bas, avec des agences qui m’ont fait travailler sur divers projets. J’y retourne encore de temps en temps. J’ai notamment collaboré avec Netflix pour peindre leurs bureaux à Londres, idem pour le siège de The Economist. J’ai aussi travaillé avec Danone pour un projet assez complet de création des designs de certains yaourts et j’ai réalisé un grand mur pour eux à Shoreditch. Je continue aussi à peindre des fresques murales, sur des murs ou des cafés par exemple. J’ai été invité à des festivals à Berlin, Istanbul, Séoul, Carthagène. Je suis aussi allé peindre de ma propre initiative à NY, Bangkok, Marrakech pour y apporter ma touche artistique. Je suis souvent invité à peindre mes fleurs qui sont ma marque de fabrique.

Au final, comment les fleurs sont-elles devenues ton sujet de prédilection?
Ce thème est arrivé un peu par hasard à vrai dire. J’ai commencé à peindre des fleurs, des néons luminescents, des choses très colorées quand je suis arrivé à Londres. Je peignais de façon solitaire, c’est ce qui a aussi changé ma façon de travailler alors que majoritairement le graffiti revêt quelque chose de collectif. Quand je suis arrivé à Londres, j’ai trouvé la ville magnifique, dynamique, créative, mais tellement sombre. L’hiver, il fait nuit noire à 15h30! Alors, j’ai eu l’idée de peindre des fleurs énormes, des grands aplats de couleur, notamment dans le quartier de Shoreditch. J’y peignais des néons lumineux, qui apportaient de la couleur, de la lumière, alors que la rue était sombre. Mes peintures avaient pour vocation d’illuminer la rue. Je trouvais que le contraste était fort. C’est comme ça que mon style s’est imposé il y a dix ans. Mais je peints aussi des fleurs parce que je trouve ça beau. Les fleurs représentent la vie, le cycle de la vie, c’est vraiment très inspirant pour moi. J’ai aussi peint des portraits de ma fiancée avec des fleurs sur le visage, j’ai appelé ce projet “About You”, et je l’ai aussi peinte dans plusieurs endroits dans le monde.

Quels sont les outils que tu utilises?
Je suis partenaire d’une marque qui m’a suivi sur pas mal de projets en Angleterre et qui propose de la peinture qui absorbe le CO2. J’ai peint le plus grand mur de ma vie, 1000 m2 à en 2023, avec ce matériel. C’est l’un des ports les plus pollués d’Europe alors l’idée était d’utiliser une peinture écologique, qui absorbe les particules. C’était du boulot parce qu’il fallait commencer par appliquer une sous-couche, sur 1000 m2! Mais quand je travaille en intérieur ou sur toile, j’utilise de l’acrylique et l’aérographe, c’est ce qui me permet de faire des coulures et proposer un rendu similaire à la bombe.

Comment fais-tu pour créer des couleurs qui donnent la sensation d’être allumées?
Pour ces couleurs lumineuses, je réalise mes propres mix. Je rajoute du blanc, du fluo, je prépare mes propres pots de peinture. C’est véritablement la grisaille londonienne qui m’a influencé, qui m’a inspiré. J’ai eu tellement envie de mettre de la lumière et de la couleur dans nos vies! En plus, j’aimais bien l’idée de peindre des fleurs, alors que souvent ce sont les filles qui en peignent. J’utilise des photos de fleurs que je retravaille, je les redessine au crayon avant de les reproduire en grands formats sur les murs ou les toiles…

Depuis 2022, tu es installé à Marseille…
Oui, j’ai désormais mon atelier à Marseille. Je travaille toujours des toiles, mais aussi des affiches pour des festivals. Je m’amuse encore à peindre des flops dans la rue parfois, pour garder le côté spontané du graffiti. Je réponds aussi aux commandes, notamment pour une fresque à Bourgoin-Jallieu à côté de Lyon que j’ai réalisé récemment ou encore pour l’International Horticulture Festival à Séoul pour lequel j’ai réalisé une structure fleurie entièrement peinte à la main, c’était dingue! En ce moment, je contribue sur la communication du Festival Poésie Urbaine à Grasse pour lequel j’ai aussi réalisé un mur et je me prépare aussi pour participer à de nouvelles expositions avec de nouvelles créations qui mêleront le figuratif avec l’art floral.
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